La tension entre Paris et Alger ne cesse de monter ces dernières semaines, ravivée par le refus des autorités algériennes d’accueillir leurs citoyens expulsés de France pour diverses infractions judiciaires.
Ce mercredi 26 février 2025, le Premier ministre François Bayrou a annoncé la volonté de la France de réexaminer tous les accords bilatéraux entre les deux pays.
"Il est inacceptable que la situation avec l'Algérie perdure. La France va demander au gouvernement algérien que soit réexaminée la totalité des accords de 1968 et la manière dont ils sont exécutés", a déclaré le Premier ministre à l’issue d’un comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) à l’hôtel Matignon, le siège de la primature.
Les accords régissant les flux entre la France et l'Algérie "ne sont pas respectés", a accusé François Bayrou. "Ces accords donnent des avantages considérables aux ressortissants algériens", affirme le Premier ministre, qui explique que "la France va demander au gouvernement algérien que soit réexaminée la totalité des accords".
Le refus de l’Algérie d’accueillir le suspect présumé de l’attaque au couteau de Mulhouse, qui a coûté la vie à une personne et fait trois blessés, semble avoir exaspéré les autorités françaises.
Retailleau, partisan du rapport de force
Bruno Retailleau, le ministre français de l'Intérieur, a indiqué que le suspect faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il a accusé l'Algérie, son pays d'origine, d'avoir refusé son extradition à dix reprises.” L’Algérie ne respecte pas le droit”, s’est-il indigné au journal de 20 heures sur TF1, plaidant pour un durcissement de la loi.
Face à cette situation, le CICI, qui semblait être en veille, a été réactivé par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, partisan de la méthode forte envers Alger.
Dimanche, le ministre français délégué auprès du ministre de l’Intérieur, François-Noël Buffet, dans le sillage de son patron, a proposé le gel des visas en cas de non-coopération de l’Algérie pour l’extradition de ses ressortissants.
Jean-Noël Barrot, favorable aux pression diplomatiques
Mardi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé des mesures de restrictions concernant l’entrée sur le territoire français de plusieurs dignitaires algériens.
“Des mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens ont été prises” par le gouvernement, a annoncé mardi le ministre des Affaires étrangères sur BFMTV.
Selon le chef de la diplomatie française, il s’agit de “mesures réversibles” qui seraient levées si la coopération entre les deux pays reprenait.
Il n’a toutefois pas précisé depuis quand ces restrictions étaient en vigueur, ni combien de personnes étaient concernées.
Ces mesures ont été prises pour “faire avancer ou défendre les intérêts des Français”, a-t-il justifié, évoquant notamment la libération de l’écrivain Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, ainsi que “la réadmission des Algériens en situation irrégulière”.
Le gouvernement algérien a exprimé ce mercredi son “ étonnement” suite à cette annonce de “mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire français prises à l’encontre de ressortissants algériens titulaires de documents de voyage spéciaux les exemptant de formalités de visas”.
Surprise à Alger
Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, le gouvernement algérien a indiqué qu’il n’a été “ aucunement informé” de cette décision “comme le commandent les dispositions de l’article 8 de l’accord algéro-français en matière d’exemption réciproque de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques ou de service”.
Pour Alger, cette logique "s’inscrit dans la longue liste des provocations, des intimidations et des menaces dirigées contre l’Algérie”.
“Celles-ci sont de nul effet sur notre pays qui n’y cédera pas. Toute mesure attentatoire à ses intérêts fera l’objet de mesures réciproques, strictes et immédiates”, précise le communiqué, qui ajoute que l’Algérie est manifestement devenue “ l’enjeu de querelles politiques intra françaises où tous les coups bas politiciens sont permis dans le cadre d’une compétition, dont l’extrême droite est l’instigateur, le référent et le donneur d’ordres “.
“Cette dynamique qui entraîne dans son sillage, non seulement des forces politiques françaises, mais également des membres du gouvernement français, peut avoir des conséquences incalculables sur la relation algéro-française dans toutes ses dimensions”, conclut le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères.
Le 2 février dernier, le chef d'État algérien a déploré, dans une interview au quotidien français L’Opinion, le “climat délétère” qui caractérise les relations entre la France et l'Algérie ces derniers temps.
Abdelmadjid Tebboune avait toutefois écarté toute idée de rupture des relations entre les deux pays, considérant que l'initiative de relancer la coopération revenait à la France, “afin de ne pas tomber dans une séparation qui deviendrait irréparable”.
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